Depuis trois jours nous vivons dans l’angoisse : rassemblement dans la cour, ordre de faire nos paquets, de les défaire…
nouveau rassemblement…
Dans les casemates où nous avons toutes été enfermées
la gaieté règne : nous attendons les cars et ceux-ci n’arrivent
pas; et parce qu’il y a du soleil, que le bruit du canon se fait plus
proche, que les boches s’énervent de ce retard, nous chantons.
Très tôt, le matin, le sonderfürer est descendu, porteur
de listes et il nous a annoncé que, sauf les malades, le service
médical et quelques cas particuliers, nous partons toutes.
À la hâte, les paquets, encore une fois, ont été refaits
et, aussitôt après l’appel, nous avons été
emmenées aux casemates. Hantées déjà par
l’idée qu’elles pouvent être séparées
au cours du long voyage, les meilleures amies se sont ingéniées
à rester ensemble, les vieilles dames se sont rapprochées des
jeunes. Et, ainsi, notre groupe est au complet ; près de moi j’ai
ma petite soeur Isabelle, Lucienne Dixon qu’au réseau nous appelons
Jeff, Toquette Jackson, Nicolle Lily, les sœurs Schuppe et Grüner et
Lotte qui est l’amie de toutes.
Pour ne pas nous laisser abattre nous chantons. Par l’étroite
meurtrière, une de nos compagnes a aperçu des promeneurs sur
les hautes buttes de Romainville.
Dans le calme soudain rétabli elle crie lentement d’une voix
forte :
« Allo, là-bas… Écoutez-moi ».
Les promeneurs qui cependant ne peuvent nous voir, se sont arrêtés;
alors elle poursuit: « Tous les prisonniers et les prisonnières
de Romainville partent… Prévenez le maquis… Arrêtez le train…
Vous entendez ?… Arrêtez le train…»
Des civils massés près des portes nous regardent partir. Un
homme se précipite vers l’un des cars, peut-être pour voir
une personne amie, peut-être pour crier des nouvelles ; un boche le repousse
à coups de crosse, l’homme tombe, les cars passent…
Enfin ils s’arrêtent, nous sommes dans la gare de marchandises
de PANTIN.
Témoignage de Maisie Renault
Apprenant qu’un nouveau convoi de déporté(e)s
doit quitter très prochainement le quai aux bestiaux de Pantin
et que celui-ci sera précédé d’un autre convoi
chargés de boches et d’armements pour le front de l’Est;
ordre a été donné à notre réseau de saboter
la ligne qui conduit les lourds convois jusqu’à la gare du Bourget,
via Compiègne. Une équipe de F.T.P.F. a reçu immédiatement
la mission de faire sauter les rails afin d’empêcher la progression
des convois. Cette équipe sous les ordres du commandant Vaillant (en
photo ci-contre) est entrée en pleine action.
Il lui faudra au cours d’un travail précis, demandant une énorme
concentration, en même temps qu’une certaine dextérité,
poser les mines à retardement.
Après avoir avec précaution dissimulé leurs tracts sous leurs manteaux, elles enfourchent leurs vélos -souvent rafistolés- et fonçent droit vers le marché, où elles savent que des files entières de femmes attendent… soudain derrière elles une pluie épaisse de feuilles tombent comme feuilles d’automne… et déjà des gens les ramassent à pleine main… oui elles mènent des missions extrêmement périlleuses, elles le savent, mais elles se font un honneur d’être à la hauteur des valeurs qu’ensemble nous défendons … celles : d’une République Égalitaire à Reconstruire…
Aux habitants de la Seine St Denis qui :
- avant-hier , ont été des résistants,
internés, déportés, se sont battus, pour qu'aujourd'hui
nous ayons droit (donc nous avons devoir, de mémoire), droit d'être libres, citoyens
…ce que nous devons à la résistance encore vivante :
- qui, hier, élus, ont développé des politiques culturelles,
urbaines, aboutissant aujourd'hui à des contrats de coopération
région-département, volonté politique, en accord avec
l'état… et récemment encore, précisément
articulés autour du patrimoine…
…et nous restituerons cette « mémoire résistance » dans des lieux signifiants (Les Lilas, Noisy le Sec, Bobigny, Drancy) et
nous créerons ce qui deviendra pour les générations à
venir des objets scénographies, écritures, images arrêtées
ou animées… …ce que nous devons aux territoires, travaillés
bien sûr par des tensions, mais aussi amendés par des hommes
et des femmes ; nous devons donc continuer de produire des preuves, traces
artistiques de nos passages ici bas.
- aujourd'hui , sont mobiles,
étrangers, population jeune et mouvante…
… sur ce territoire « les étrangers » aussi
furent des résistants !
…mais, ces jeunes, parce que leur histoire est déchirée,
méritent encore plus d'attention ; et les équipes éducatives
sont animées d'une énergie tendue (tous les établissements
scolaires collèges et lycées, interrogés par une représentante
de l’inspection académique ont
répondu « présents » sur la méthode envisagée
pour la mise en action de cette démarche).
Aux habitants de la Seine St Denis qui :
- demain, sur ces lieux mêmes seront à leur
tour les vecteurs vivants, acteurs responsables d’une connaissance concrète,
tangible, celle d’un espace où ils vivent, fragment d’un
territoire national où doit s’inventer individuellement et collectivement
une démocratie laïque, à porter haute.
… ou qui demain, emporteront en eux ces pelotes de pollen - les
valeurs de la résistance sont universelles - constitutives
de l’être citoyen : elles leur permettront, partout où ils
se trouveront, de s’appuyer sur cette architecture intérieure qui nous fait tenir droit et debout.
Cie de la Pierre Noire
AVIS !…
LA COMMÉMORATION DU 60 ÈME ANNIVERSAIRE DE LA LIBÉRATION DU FORT DE ROMAINVILLE
AURA LIEU LE SAMEDI 8 MAI 2004 À 14H30 À L’INTÉRIEUR DU FORT.
MESSAGES CODÉS
en gras : la traduction
La rose ne semble pas avoir d’épines
« Il n’y pas de dangers »
Il y a autant de pauvres que de grains de sable sur la plage
« Augmentation de personnes démunies »
Prisonnier derrière la vitre, le caniche est mouillé
« Sur les affiches, les femmes sont humiliées »
(GRAPHES ET DESSINS PARMI BEAUCOUP D’AUTRES,
RÉALISÉS PAR LES ÉLÈVES DE 1ÈRE DU LYCÉE P.ROBERT (LILAS) ET 3° DU COLLÈGE R.CASSIN NOISY LE SEC)
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