Pourquoi le rondeau comme point d'appui pour l'architecture de ce cédérom ?
Comme la « gobiotte » et le « rabat »,
le « rondeau » est
l'un des jeux Bressans auxquels on pouvait dépenser de fortes sommes.
Il y a la ronde, enfantine, de la cour d'école, et celle universelle, idéale, qui unirait de main à main, tous les hommes et toutes les femmes, par-delà les mers, par-delà les frontières, de la planète terre… Et puis, ici, il y a le « rondeau », comme une transcription masculine : jouet d'adulte où s'emmêlent les tracés symboliques d'une courbe descendante, celle d'une spirale inéluctable, et le gain obtenu, l'argent gagné à chaque quille tombée…
Or, la quille est toujours représentative de l'homme debout qu'il faut mettre à terre, et qui ne peut jamais se relever, (s'en relever ?) seul. Cet ancien jeu bressan, de bois et d'ivoire, découvert dans un livre d'histoire de la Bresse, au moment précis où il fallait définir la manière de rendre compte… d'une action de prévention tomba pile : il servirait, métaphoriquement à signifier le fonctionnement du Cédérom. La spirale de boules noires, descendante, bloquée juste avant qu'une quille ne soit touchée, ponctuerait les étapes, vécues dans un continuum spatio-temporel très délimité : la Bresse, trois ans…
Étapes qui nous permirent une connaissance orientée, polarisée, magnétisée : cette boule noire - ce mot « suicide », lié à l'action de prévention, noire opaque énigme, menaçante et fatale, qui semblait toucher au hasard, lancée par quelques mains mauvaises, obstinée, sur ce territoire, renverrait au processus de connaissance, nécessairement défini et développé dans le temps et l'espace d'une prévention globale, d'une approche systémique. Actes de prévention qui apparurent en même temps que la perception continue, longue du « terrain », du champ circonscrit. Remonter la pente, inverser le cours « naturel » des choses… redonner un sens positif, dynamique, ascensionnel, à cette flèche du temps torve qui pouvait massacrer, en aveugle, des quilles plantées là, comme incapable de se mouvoir hors de ce périmètre : les boules blanches qui emportées par un élan, vital, se projettent hors, elles se sont arrachées à ce qui ressemblait à une attraction maudite : les perspectives, à trouver dans la dernière boule blanche définies à partir de chaque quille disent assez que germent ici, comme ailleurs, mille possibles…
Il ne s'agit que de s'appuyer sur ces quilles debout, ces êtres vivants qui ont pu, transmuant désir de mort en désir de vie, (mais la création n'apparaît-elle pas seulement lorsque l'être est traversé de ces longs frôlements provoqués par les dépouilles d'une mort passante - nous ne savons rien d'elle, au moment de la voir, nous ne pouvons même plus la nommer, ont su, s'échapper par le haut. Donc, en redonnant du « jeu » (là où l'on pense que les « jeux sont faits », « rien ne va plus » : la roulette fonctionne selon le même schéma simplifié que le rondeau) : ici, les jeux restent à faire - aller et retour entre les boules noires, les boules blanches, en passant par les quilles, productrices (chaque création a été dessinée, elle est re-lue…) et puisque des énergies, notamment celle de la parole, celle de l'écriture, celle de la fabrication ont été mises en branle, peu à peu, d'autres représentations de la Bresse se constitueront, qui forcément renverront aux Bressans eux-mêmes et au delà, d'autres images de ce qu'ils auraient cru être.
Contact Webmaster © Théâtre la Pierre Noire