En résidence artistique dans la commune des Lilas, les professionnels du spectacle vivant de
la compagnie de la Pierre noire ont su fédérer autour de leur projet, « lignes
de vie », des énergies et des moyens rarement réunis pour une action de mémoire
destinée à la jeunesse.
L'État dans sa diversité, des collectivités territoriales, des industriels,
le secteur associatif combattant des communes concernées par le projet, des artistes se sont ainsi
associés pour permettre à des centaines de jeunes de construire, semaine après semaine,
un spectacle en hommage aux résistants. Ce long travail a abouti à une représentation
le 8 mai dernier devant un public venu en nombre au fort de Romainville.
Le travail d'écriture réalisé en classe tout au long de l'année (biographies de
résistants, tracts appelant à la lutte, messages codés pour le passage à l'action a été très largement mis en scène lors de cette manifestation. Ainsi, à partir de photographies de plaques de rue dédiées à des résistants, des « pass » cartonnés ont été conçus. Remis au public, ces signes de reconnaissance, permettant l'accès au fort, étaient recouverts d'une pellicule grise, symbole de la poussière déposée par le temps sur la mémoire de ces hommes. Après « grattage », le spectateur a découvert le nom du combattant de l'ombre et est allé, au sein du fort, à la recherche de la biographie correspondante écrite par les jeunes, devenus le temps du spectacle, agents de liaison.
Des tracts imprimés en classe, au sein d'un atelier de typographie, ont été lancés par un jeune comédien en équilibre sur un mur, un geste rappelant le danger que la diffusion de ces documents représentait pendant l'Occupation. Enfin, des messages codés enregistrés par les élèves, réellement diffusés sur radio Londres ou nés de leur imaginaire poétique; ont été émis du haut de la tour TDF du fort de Romainville pour appeler le public à l'action.
Au cours de cette journée, chaque élève a reçu un gant blanc sur lequel il a été invité à créer, au delà de ses propres lignes de la main, une ligne supplémentaire de vigilance. Cette symbolique destinée à renforcer le caractère collectif du projet soulignait également le sentiment d'appartenance à un groupe, comme ont pu l'éprouver les résistants.
Sur ce même thème de la vigilance, 300 jeunes de l'école nationale de musique de Romainville ont interprété, dans une vague déferlante, une création de Sophie Krebs « je est nous ». Pour incarner l'engagement non seulement intellectuel mais aussi physique des résistants, un travail sportif réalisé avec des professeurs d'EPS s'est traduit, le 8 mai, par une chorégraphie articulée autour de la libération des corps enfermés dans des sacs aux couleurs nationales. Cette chorégraphie était rythmée par des tambours accompagnant la lecture, par un atelier d'apprentis comédiens adultes, du serment des résistants.
Pour l'inspection académique de Seine-Saint-Denis, les clés du succès de cette opération tiennent à plusieurs facteurs. Tout d'abord, une implication très en amont des enseignants et une concertation très large de l'équipe pédagogique (17 mois avant le spectacle), ainsi qu'une co-intervention en classe, sur plusieurs séances, d'artistes, d'anciens combattants et de professeurs qui a permis à certains élèves de modifier leur positionnement vis à vis du système éducatif, l'apprentissage ayant été vécu comme un jeu. Une autre clé de la réussite de ce projet tient à l'approche diversifiée de l'histoire d'une période avec des ateliers d'écriture, de travail sur le langage, des ateliers musicaux, sportifs, et également une volonté constante de valoriser la production des élèves : les photographies deviennent des pass, les messages codés sont enregistrés et sont diffusés, les tracts rédigés sont imprimés sur des ronéos et les biographies des résistants sont distribuées au public. De même, l'ensemble des productions non utilisées pour le spectacle du 8 mai a été exposé dans le fort avec un agrandissement de certains textes. Depuis la rentrée scolaire 2004-2005, la compagnie de théâtre de la Pierre noire, en résidence dans la commune de Bobigny, a repris ses activités avec des établissements scolaires du département pour présenter en 2005 une manifestation liée à la Déportation. L'ancienne gare de Bobigny servira de toile de fond pour ce nouveau projet culturel, artistique et de mémoire.
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